Patrick Bruel: «Mes désirs parlent aux autres»
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Sur la scène de l'Arena, Patrick Bruel a enchanté ses fans avec une formule acoustique que l'on retrouve sur son nouvel album live.
Jean-Philippe Bernard - le 16 juin 2009, 21h30
Le Matin
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«Vous verrez, ça sera mieux!» lâche le dieu du stade en souriant. Alors Bruel, il est comment? Sympathique? Assurément. Mais le jeune quinquagénaire sait aussi parfaitement ce qu'il représente dans le paysage culturel français: un poids lourd de la chanson auquel on n'impose plus rien. Et surtout pas une interview seul à seul avec un journaliste une heure avant le début de son concert. Ainsi, lundi soir, dans la moiteur tropicale des loges de l'Arena de Genève, le chanteur annonce: «On va tous les mettre ensemble, les journalistes, ça m'évitera de répondre aux mêmes questions. Et, j'insiste, ça sera mieux...»
Un live intense
Répartis de chaque côté de l'idole de ces dames, les représentants des médias, un peu surpris, tentent d'accorder leurs violons. Affable, professionnel, Bruel joue le jeu et prend son temps. Un peu plus tard, on le retrouvera tout de noir vêtu, seul avec sa guitare occupé à charmer plusieurs milliers de personnes avec une touchante entrée en matière («Voulez-vous», «Qui a le droit», «Place des grands hommes»), prologue d'un show de plus de deux heures sans artifices. Mais là, dans son backstage, l'artiste, jeans clairs et chemise blanche ouverte, est aussi détendu que ces beaux gosses charmeurs qu'on croise à la tombée de la nuit sur les terrasses des cafés méditerranéens.
«Pourtant, je suis quelqu'un d'anxieux. Mais, dans ce contexte présent, mon plus gros travail consiste à ne rien préparer, à me présenter sous mon aspect le plus naturel.» Depuis l'automne dernier, il a entrepris une tournée acoustique qui l'amène dans des salles plus ou moins vastes. Bien que radical (l'artiste s'accompagne à la guitare, parfois au piano, et n'est rejoint que sur certains titres par un second guitariste), ce nouveau projet est un succès, immortalisé cette semaine par la sortie d'un album live et d'un DVD intenses («Seul ou presque»). «Je ne fais pas ça pour convaincre mes détracteurs que mes chansons tiennent la route même dans le dénuement le plus absolu. Après vingt-cinq ans de métier, je me fous du fait que des gens puissent ne pas m'aimer. C'est leur droit mais je ne peux rien pour eux. Si je joue seul, chaque soir, c'est avant tout pour mon plaisir.»
On lui demande s'il n'est pas un brin égoïste et terriblement égocentrique. Il sourit sans se démonter. «Je veux prendre du plaisir et en donner, cela va de soi. La chance que j'ai aussi, c'est que mes envies, mes désirs savent parler aux autres. C'est un rêve.»
Chaque nuit (on a aussi pu le constater à Genève), les dames et les demoiselles hurlent son prénom
«Paatriiiick». Comme on n'est plus aux heures les plus chaudes de la Bruelmania, elles le font par habitude et par jeu, dans une atmosphère de complicité totale. Le chanteur s'en amuse mais ne s'en lasse pas: «Je sais tout désormais de l'amour et de la réactivité de ce public. J'ai un bol incroyable d'être là où je suis. Les gens m'envoient une émotion dingue mais, de mon côté, je pense ne les avoir jamais trahis. Je fais tout pour garder le contact avec eux. C'est un gros boulot. Agréable certes, mais il ne faut rien lâcher, jamais...»
Comme au poker, ce jeu dont il est devenu un champion?
Un agenda bien rempli
«Non, à mon sens, il n'y a pas de comparaisons possibles. Avec l'expérience, on s'attend à ce qui va se passer sur une scène. Et puis, il y a une différence majeure: à la table de jeu, je joue contre quelqu'un. Sur scène, je ne joue contre personne...»
Une table de jeu que Bruel va bientôt retrouver, lui qui s'apprête à rejoindre Las Vegas pour participer aux Championnats du monde de poker. «Oui, rigole-t-il,
j'ai un véritable agenda de chanteur d'opéra (
ténor ). Outre le poker, j'ai encore des concerts à donner, des films à tourner, un disque à finir, du temps à passer avec mes enfants (c'est d'ailleurs ça le plus important). Je ne m'économise pas.» Au risque de se mettre en danger? Il nous adresse un clin d'oeil et martèle: «Le plus grand risque que l'on puisse prendre, c'est de ne prendre aucun risque...»
«Seul ou presque» Distr. Sony/BMG